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Sans Musique

6 septembre 2016

Plus tard.

Quoiqu'il arrive, on n'appelle jamais. Et personne n'est jamais là.

On le fait un jour où on se lève avec des ressorts à l'esprit, quand on bouillonne d'envies. Une voix dynamique et pleine. Rassurant.

Parfois, il faut laisser passer du temps avant de retrouver ce feu, cette joie d'être et de faire, avant d'être en capacité de donner du sens.

On appelle plus tard.

En attendant, on est seul. Toujours. Ce n'est pas cruel. C'est juste que parfois tu aimerais partager cette clope de colère et d'aigreur, pendant que les voisins d'en face regardent une série en buvant du sirop et que ceux d'en dessous exploitent tout leur appartement amoureusement.

T'es sacrément seule, à cracher ta fumée sur les étoiles.

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28 mars 2015

L'attente.

 

L’attente contre le radiateur électrique de la cuisine, assise sur le banc en bois, la main droite qui soulève le rideau en crochet, la main gauche paresseuse qui se brûle mais ne se décolle pas de la grille pour autant. La pendule qui danse, ses poids qui dégringolent quand une nouvelle demi-heure passe. Mes yeux perdus sur la route, devant la maison, sur la nature vide du quartier, et les voitures au ralenti, leurs phares jaunes et irréguliers. Le détail de la tapisserie, ses défauts d’impression et de collage, les chaussures boueuses devant la porte d’entrée. Et mes oreilles, accrochées au moindre bruit de moteur. Je connais celui de ta voiture, je sais que tu passes en quatrième en haut de la côte, et je ne l’entends pas. Pour ne pas me blesser, tu m’avais dit 14h30. Et deux heures plus tard, j’ai fait la vaisselle, mes devoirs, et j’attends que tu rentres pour t’entendre me dire que tu repars, mais que, ce soir, tu ne rentreras pas tard. J’attendrai. 

L’attente, aussi, de la collégienne secrètement éprise, qui ne connaît rien à l’amour. Elle a repéré l’heure à laquelle il sort de la vieille salle de mathématique qui sent la craie, celle dont le parquet craque et les fenêtres s’effritent. Il apparaitra dans le préau après tous les autres, parce que c’est un bon élève, et qu’il s’applique à écrire ses devoirs. Des tours et des tours de cour, des boucles d’espoir, des chansons murmurées dans sa solitude et puis, après cette longue attente… son regard. Qu’il est important son regard. Elle se nourrit de ce coup d’œil si détaché, si désintéressé. Pourtant, elle ne connaîtra que son prénom. Et lui ne posera jamais aucune question sur elle.

La vilaine attente, la détestable, celle du premier rendez-vous. Celui auquel on ne veut pas renoncer. Voilà pourquoi on temporise. L’attente, cerné par la foule, au milieu d’une place, sur un banc. L’humiliation. Cette certitude que tout le monde sait, qu’ils ont tous vu, après avoir acheté, mangé, digéré leur sandwich, que je suis encore là. La patience, poussée dans ses derniers retranchements. Et pourtant, rien pour se décoller de ce banc et de cette idée gluante qu’il va arriver et que ça va être beau. Et pourtant…la perte de temps. Ne pas s’adoucir. Ne pas se laisser abuser par l’idée qu’il y a certainement une bonne raison. Écoute tes jambes qui sursautent. Qu’est-ce que tu attends ?

 

L’attente du jeune musicien qui clôturera le spectacle de fin d’année avec son Clair de lune. Il regarde les enfants défiler au piano. Le siège est déréglé, monté, baissé, dix fois, vingt fois. Les traces de doigts sur les touches, la moiteurs des petites mains tremblantes, les partitions abandonnées sur le pupitre, avec l’émotion du morceau terminé et des applaudissements. Le grand élève regarde sa partition, ne la comprend plus. Il essuie ses mains sur son pantalon noir. Plusieurs fois. Il regarde le programme qu’il a plié en éventail, le papier fatigué. On en est presque à la fin.

 

Et puis celle près du cercueil, dans la chambre funéraire ou dans le salon de la maison familiale. On a posé un bout de tissu blanc sur la vitre de la porte. Pour que la cuisine reste la cuisine, et qu’on entre dans le salon comme dans une église, en respectant le sommeil, en respectant les prières. L’infime et très vivante sensation que grand mère respire encore. Quelques murmures près de son visage, juste pour lui dire, lui promettre que je ferai tout pour devenir quelqu’un de bien et que je m’occuperai du chat noir et du rosier grimpant. Attendre tout le monde. Accueillir les larmes. Et puis ce moment interminable. C’est infernal comme c’est silencieux, c’est terrible comme le bruit du chagrin me fait trembler les jambes. La gorge gonflée, douloureuse, je veux juste qu’il ferme le cercueil pendant que je regarde le puits en pierre, à travers la baie vitrée. Qu’on la laisse tranquille… je veux respirer. Je veux la décorer. Le soleil nous observe alors que nous marchons lentement vers la petite allée. Des pétales de rose. Je cristallise la sensation du bois du petit cercueil sous ma main. Et on attend que tout le monde passe, nous salue. Je veux être seule avec mon chagrin, seule avec elle, pour lui dire que c’était une journée douce.

 

Attendre que le silence atterrisse, les yeux interrogateurs et craintifs des enfants. Assise en face d’une fenêtre, attendre que le soleil de midi vienne me caresser les paupières. Les yeux plissés, le temps que le cachet disparaisse dans le verre d’eau. Attendre que Didon s’essouffle avant de couper le moteur. Et le temps que le soleil ne sorte des tapis de mon bureau pour me mettre au travail.

Que le ticket sorte de la machine.

Que le riz au lait ait refroidi sur le bord de la fenêtre.

Que le chat ait décidé de rentrer.

Que le réveil me vrille les oreilles.

Que la journée passe,

Que la vie se déplie,

Que le cœur se remplisse.

18 juillet 2014

Escargot

       Il répéta trois fois de suite son prénom. Son prénom... il était si banal mais elle le portait comme une évidence. 
Ils discutèrent, côte à côte, les yeux attirés par les gens qui passaient, comme s'il s'agissait de la première fois : "Que fais-tu, ici ?", mais comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Ses joues rougissantes, elle le quittait.

"je dois partir, je t'offre un café demain". 

Il s'était contenté de lui offrir un sourire pincé avec les yeux qui brûlent et il l'avait regardée, s'éloignant, avec sa longue jupe qui retenait la poussière du sol. Elle disparaissait de l'escalier, il ne voyait plus que sa main sur la rampe. Il resterait silencieux, jusqu'au lendemain.

 

 

         Dans un jardin caché, elle ramassait un coquelicot et le regardait sur sa peau bronzée. Le vent s'était levé, un homme avec un chien courait, devant eux.
Des cris d'enfants, au fond du parc, et comme un ondin, ils entendaient la vague de pluie en translation, les arbres en étaient progressivement secoués, elle se rapprochait d'eux, jusqu'à s'écraser sur leurs visages tournés vers le ciel. Collés à un arbre aux feuilles larges, ils se laissaient faire, en fermant les yeux. Ils dégoulinaient, des gouttes d'eau glacée glissaient dans leur cou. Ils auraient pu pleurer, personne ne l'aurait remarqué. 

       Les vêtements étaient éparpillés dans la petite pièce poussiéreuse. Il ne voulait pas faire ses valises. Il la serrait contre lui et la respirait autant qu'il le pouvait. Elle se détachait de lui pour l'observer, recroquevillé sur son lit, comme un enfant capricieux. Elle n'aimait pas ce moment. 

- Lève toi...

Il lui disait combien il avait peur, en grimaçant, en sanglotant. Il se tapait la poitrine, de honte. 
Elle le quittait sur le pas de la porte. Les voitures la frolaient et mélaient ses cheveux. Leurs mains se séparaient. 
Elle traversait la route.

Ils auraient pu pleurer, chacun de leur côté. 

 

 

Elle s'arrêterait souvent, durant les semaines qui suivraient son départ, près de chez lui. Elle regarderait dans son rétroviseur le mur de sa chambre, noirci par les passages trop fréquents des bus. Les volets seraient impertinemment clos. Elle imaginerait sa chambre vide et les fleurs fanées sur sa table de nuit.

Coquelicot, Passiflore, Rose Trémière...

 

18 juin 2012

0 %

Elle m'agace cette fille. Assise dans son jardinet de ville, sa robe est assortie au bouquet de lavande posé sur la table de jardin.
Elle mange un yaourt. Avec de la confiture Bonne Maman. Et en plus elle sourit.

"Regardez comme je suis assortie à ma maison et comme je mange sainement."

Elle m'a agacée, parce qu'autour d'elle tout était parfait.

Même sa robe, son bouquet et son yaourt. Parfaits.

Cette nuit j'ai rêvé que je passais sous une voiture. Mes jambes étaient détruites.
Le lendemain, elles étaient toutes bleues, violettes. La douleur était terrible. Les muscles de mes mollets étaient arrivés derrière mes genoux.
Tout aujourd'hui, je raisonnais en fonction de mes jambes. J'hésitais à aller à la B.U sachant que je devais marcher 10 minues.

 

Alors cette fille, avec son yaourt, elle m'a agacée.

13 novembre 2011

Juste une goutte...

"Sais-tu que vous portez tous les deux le même parfum ? Je t'assure, exactement le même. J'ai mis du temps à m'en rendre compte parce qu'il ne sent pas sur lui comme il sent sur toi. Mais lorsque je vous ai salués successivement, j'ai compris ! J'adore ce parfum. Il le porte tellement bien. Oh mais toi aussi ! C'est juste que sur toi, il est différent. Tu crois que tu pourrais m'en prêter ? Juste un peu hein, quelques gouttes... Non, bien sûr, tu pars demain, garde le flacon, évidemment. Mais si je trouvais un récipient ? Je ne sais pas moi... Tiens ! regarde, une tasse à café ! Non ? Non...il va s'évaporer, tu as raison. Et dans ma bouteille d'eau ? Je me débrouille pour fabriquer un entonnoir. Pourquoi ? Et bien pour que ça  ne coule pas part.... Ah ! Pourquoi j'insiste ? Je, euh... parce qu'il me le faut, j'en ai besoin ! J'ai envie de le respirer. Hum...et si je vidais mon flacon de parfum, j'en mettrais à la place et je pourrais en vaporiser où je le désire. Quoi ? Comment ça je suis folle ? Tu préfères que je cale mon nez au creux de ton cou à chaque fois que l'on est ensemble ? Allons, j'en veux simplement trois gouttes. Mais enfin non je ne suis pas folle ! Je t'en prie ! Je suis juste... Non, mais ça n'a rien à voir avec la folie ! Que j'achète le flacon ? Peut être, tu as raison. Mais nous sommes dimanche ! Je...S'il te plaît, juste une goutte sur mon poignet...

 

Je te jure que je ne suis pas folle. C'est simplement que c'est un peu de lui, ce parfum. Mais juste un peu. Il y a tellement plus dans son cou, sur ses mains et tout autour de lui. Non, finalement, ce n'est pas lui. C'est aussi toi ! Et je ne peux pas penser à toi constamment, quand même ! Et je ne peux pas penser à lui. Je ne peux plus. Et je ne suis pas folle..."

 

postmichel

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15 mars 2011

Mes morts.

Hé ! Dis-moi... Toi aussi tu trouves que ma chambre est mal rangée ? Toi aussi tu joues, des fois ? J'espère, car maintenant tu as le temps. Moi, j'adore jouer. Et quand je serai grande, j'irai jouer dans ma chambre, dès que j'aurai du temps.

Pourquoi tu ne dis jamais rien ?

Aujourd'hui, Grand-mère m'a montré des photos de toi. Elle était triste. Tu ressembles à papa. Enfin, c'est lui qui te ressemble.

Tu as vu mon piano ? Je te jouerai un morceau, un jour.

Tu crois que tu m'aurais aimée ? Et d'ailleurs, est-ce que tu m'aimes ?

Je suis passée te voir l'autre jour. Je t'ai même porté des fleurs. Tu les as vues ? Peut être que tu n'y étais pas. ça m'a fait bizarre de voir ton prénom et ton nom, inscrits sur la plaque. C'est comme si tu étais un peu vivant. Les cimetières sont trop tristes. Tu as raison d'aller te promener.

C'est comment d'être invisible ? Moi j'aimerais l'être, parfois.
Tu es si silencieux. J'ai l'impression que tu es mort.

Et toi ? Pourquoi tu as fait ça ? Tu sais que ton frère est triste ? Tu sais qu'il nous raconte tout dans les détails, à chaque fois qu'on lui rend visite ? Il nous a même montré la corde. Il nous a dit que tu étais bleu. Je déteste savoir que tu as fini comme ça. Et puis, tu n'as rien expliqué.

 

Vous croyez que ça vaut le coup de se battre ? Je veux dire...tout ça, là, tous ces livres, ces papiers, ce temps que je perds, assise à mon bureau... ça paiera un jour ?
Vous ne dites rien ?

Ah, c'est peut être ça alors. Vous ne pensez plus, vous n'avez plus d'avis. Vous constatez, seulement.

Et je ne peux même pas lire dans votre regard...

Je me sens si seule, avec vous...

20 février 2011

Cauchemar (suite).

"Elle ne s'y rendra plus. Dorénavant, elle se contentera de penser à lui. Son regard, ce soir là, avait suffit. Il n'avait pas eu à ajouter quoique ce soit. Il a tourné le dos et il est parti, sans un mot. Il lui échappait, définitivement. Elle avait compris, elle n'était plus la bienvenue.
Alors, elle effaçait. Les petits mots, les traces, les esquisses. Elle ne gardait rien. Relire ne la soulagerait plus, maintenant. Elle effaçait et disparaissait, par respect.

Tout ou rien ? Alors... rien.

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Que des souvenirs. Des souvenirs de ses petits pas précipités qui la menaient à lui, des viennoiseries qu'elle déposait tendrement dans sa cuisine, de ses yeux au soleil qu'elle aimait tant, de sa lutte incessante contre ce putain d'amour naissant.

Le grand vide. Elle affichait un sourire radieux et hurlait intérieurement. Elle déambulait dans des rues embrumées, conduisait machinalement, attendant que les panneaux stop virent au vert. Elle cherchait son parfum, tendait l'oreille, patientait. Rien. Il avait disparu.
Elle aurait tellement pu partir de chez lui le cœur léger, elle aurait aussi pu voir son nom sans avoir de mauvais frissons et le croiser sans que cela ne lui coupe les jambes.

Désormais, elle baissera la tête, se cachera dans ses cheveux, restera assise au comptoir, fixera le prix des consommations et se détestera, silencieusement. Rien. Juste le cœur qui suffoque.

FIN."

14 janvier 2011

Rêve.

Lorsqu'elle se rend chez lui, elle trouve toujours le chemin trop court. Tout droit, puis à gauche. C'est un quartier calme. Elle se devine dans les vitres des voitures. Il fait rarement beau lorsqu'elle y va. Elle patauge sur un goudron accidenté et détrempé. Pas de bruit, juste un sifflet, parfois. Pas d'odeur particulière. Du vent, surtout. Arrivée dans La rue, elle se dit à chaque fois : "Déjà...". Elle voit d'ici le portillon sur lequel est inscrit son nom... Chaque pas a de l'importance, chaque pas a de plus en plus de poids. Elle a retenu l'ordre des maisons, la couleur des portails, les voitures qui stationnent. La dernière est rouge. Elle s'y regarde vaguement, une dernière fois, et pousse le portillon.


Ils se quittent toujours de la même manière. Il ne sourit pas, elle essaie. A la porte, elle lui adresse un dernier regard. Lui, non. Il baisse la tête et ferme. Elle capte le dernier souffle, elle prend avec elle les odeurs de chez lui, la sienne, comme si c'était la dernière fois. Et elle en a toujours l'impression. Elle se retourne et part en direction de la route. Ses pas sont encore plus lourds qu'à son arrivée. Elle aimerait être pieds nus, que le bruit de ses talons sur le béton ne gâche pas ce moment. Le jardin est éclairé par la lumière du salon, libérée par une large fenêtre. Son ombre passe, elle le voit, il évolue comme si tout était normal. La vie reprenait. Elle marchait dans le vent, encore. Ses cheveux lui fouettaient le visage, lui mettant sous le nez son odeur, son parfum dont ils étaient imprégnés. Elle le portait en elle. Puis il la quittait peu à peu. Il ne devait pas rester.
Elle ne devait plus y retourner. Elle faisait le chemin, une dernière fois. Pas une larme. Juste une tonne de questions.
Et le cœur qui pique, qui démange.

28 octobre 2010

Salle de bain

26 octobre 2010 - 22h55.

        3 mètres sur 1. Le sol est le même que dans la pièce principale, un lino imitation parquet sombre. La vasque, la petite baignoire et les toilettes sont de couleur blanche. Il n'y a plus qu'un petit spot au dessus du miroir du lavabo qui éclaire.

La petite salle de bain est sombre. Je m'y enferme. C'est la fin de la journée. J'ai les oreilles qui bourdonnent, la tête remplie de déchiffrages chantés, d'actes de colloques, d'images d'étudiants moutons et tristes et de divergences esthétiques. Le pull que je mets le matin avant de sortir de chez moi me sauve dans les salles froides du 2e étage de la Maison des Arts où le chauffage ne parvient à s'installer. Les tuyaux des radiateurs gris claquent, grognent. On tourne la molette avec espoir. Dans un sens ou dans l'autre, le résultat est le même. Dans ma résidence, les étudiants ouvrent leur radiateur dès que la chaufferie est en marche. Et ils ne nuancent pas. Ainsi, les tuyaux restent brulants tout l'hiver, voire plus. Je m'abstiens alors d'ouvrir le mien, les excès des appartements chauffant mon T1 Bis par le sol, les murs et le plafond. Dès que je rentre chez moi, j'ôte mon pull, devenu superflu.

            Dans le pot où reposent les brosses à dents, je laisse toujours traîner un pinceau, un feutre fin ou un crayon à papier. Je prends ce que je trouve et en un geste l'insère dans mes cheveux enroulés. Dans le grand miroir, je me découvre un peu passée, moins fraiche que le matin. Le rouge à lèvres est bien sûr parti, le fard à joue s'est estompé, le noir sur mes yeux s'est émietté. J'ai le visage pollué par ma journée urbaine. Mes cheveux bruns ré-haussés en chignon laissent apparaître les blancs qui se font de plus en plus nombreux. Je ne compte plus, je ne cherche plus à dissimuler et je mise sur le charme du "poivre et sel". Déjà pieds nus, j'ôte mon collant. il m'emprisonne. Il devient insupportable après une journée de marche et de cours. J'éprouve un grand bonheur à m'en débarrasser. Quoiqu'on en dise, ils serrent toujours trop à la taille, font des marques et trouvent quand même le moyen de descendre. Pieds et jambes nus, je défais mon haut. En sous vêtements, je retrouve mes deux cendriers au creux des épaules, ma taille fine, peut être un peu trop même, mes bras maigres. Je me déporte du miroir et monte dans la baignoire. L'eau chauffe rapidement, il me faut du temps afin de trouver la température adéquate. Après m'être savonnée scrupuleusement, je ferme les yeux. C'est mon moment. Je me retrouve. Je laisse l'eau couler sur mon cou et descendre le long de mon torse. Je fais en sorte que la température soit de plus en plus élevée, jusqu'à ce que la vapeur soir visible, que ma peau marque un peu, que cela brûle très légèrement. Je souffle, je fais le vide. Un peu saoulée, je m'enroule dans mon peignoir et je m'aperçois floue dans le miroir embué. En attendant, je m'assoie contre le mur, en face du placard, sous le lavabo. J'ajoute une serviette sur mes jambes. J'attends dans la chaleur rassurante de la petite salle de bain humide. Quelques gouttes perlent encore le long de mes jambes. Des petites mèches de cheveux bouclent.
Un chat gratte à la porte. Il trouve un ouverture et me rejoint, emportant avec lui la relative fraicheur du reste de l'appartement. Étonné de me voir ainsi assise, il fait le tour, passe sous mes jambes, pose sa patte sur mon bras ou commence à jouer avec le lien éponge de mon peignoir vert anis.

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Le miroir est désormais clair. La buée s'est dissipée. Sur un coton circulaire, je mets une lotion nettoyante. Après l'avoir passé sur mon visage, il ressort brun de pollution, pailleté par les restes de mon fard à joue bois de rose. J'efface les restes d'une longue journée. Je finis par les yeux et par une petite flaque de CK one dans mon cou. Après quelques autres conventions de fin de journée, j'enfile un pyjama fin. Le chat s'impatiente et par un grognement me fait comprendre qu'il a faim. Je me regarde du coin de l'œil, une dernière fois. J'éteins la lumière.

6 juillet 2010

je passe le balai.

Septembre.

un lundi matin, ou peut être un dimanche soir. Je rentre à Bordeaux en voiture.

Je sors du garage avec 5 ou 6 poches, le coeur battant. J'ai peur. Je regarde vers les fenêtres de mon appartement, au 2e étage. Les rideaux sont ouverts.
Je passe par ma boîte aux lettres, je l'ouvre et j'y trouve une clé. le double. Je ferme les yeux et respire profondément. "Il l'a fait".

En entrant dans l'ascenseur, je me découvre blanche, les traits tirés.

2e étage. j'avance vers ma porte. je la ferme d'habitude d'un seul coup de clé. Elle est fermée à double tour.

J'entre. Rien n'a changé, pour l'instant. Mais dans la grande pièce, cela sent le vide, le débarrassé vite fait. Le sol est poussiéreux. La télé a disparu. Elle laisse un grand vide. Un câble antenne traîne à terre. 
Toutes les choses semblent avoir été bougées, et replacées, négligemment.

Sur mon bureau ont été entassés des tableaux sous lesquels je trouvais des photos d'identité ternies par un porte feuille, des petits mots doux que l'on s'était adressés et d'autres choses, je ne me souviens plus. Sur le sol, le détail d'un bail signé quelques semaines auparavant, mis en scène. Il a été jeté, ou peut être posé, de manière colérique. Il hurle et me crie que je n'aurais pas dû.
Je m'écroule sur le lino froid et secouée de sanglots, je me dis que je n'ai pas eu le choix. On ne me l'a pas laissé. Et pourtant, on m'affirme que j'ai fait le mauvais. Mais personne n'avait compris, personne ne savait vraiment. Cela n'empêche pas de juger.

Désormais, j'étais seule, dans mon T1 Bis. Tout en séchant mes larmes, je rangeais toutes les affaires qu'on aurait peut être voulu que je jette. Je replaçais les tableaux. Je rangeais un paquet de feuilles dans un coin.

je jetais, découpais, classais.
je passais le balai,

 

je passais le balai...

 


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